Question orale du 18/12/2014 sur « la propagande syndicale dans les écoles » adressée à Mme Joëlle Milquet, vice-présidente et ministre de l’Éducation, de la Culture et de l’Enfance
Question – Je voudrais vous interroger sur un sujet proche du précédent, mais qui me paraît encore plus choquant. Dans le cadre de la grève tournante qui touchait alors le Hainaut, des tracts syndicaux ont été distribués via les journaux de classe à l’Athénée royal de ma ville de Mons. La situation est interpellante à plus d’un titre. On peut tout d’abord se poser des questions sur la position de l’école par rapport à cet acte politique. Alors que l’on rencontre déjà des difficultés à organiser des débats politiques qui sont pourtant contradictoires, j’ai du mal à imaginer comment un parti politique aurait été accueilli s’il avait distribué ses tracts au sein d’une école ! La politique doit avoir sa place dans les écoles; celles-ci sont en effet le lieu idéal pour initier les jeunes au débat public. Quelles que soient les convictions des uns et des autres, les jeunes doivent être avertis et informés, et prendre position en connaissance de cause. Il convient toutefois de structurer les choses, notamment grâce à un cours de citoyenneté. Pourquoi ne pas organiser régulièrement des débats, sans attendre les élections, par exemple avec l’aide d’une plate-forme créée par les différents mouvements de jeunesse politiques, ou intégrer cette question dans le programme de certains cours ? En tous cas, il n’est pas acceptable de partir d’un point de vue totalement biaisé qui n’est pas contredit ou qu’on ne peut contredire. Certains propos sont forts : « Rejoignez le combat » ou encore « Venez préserver vos droits », le tout basé sur une vision de l’accord de gouvernement propre à ces organisations syndicales. Il s’agit manifestement d’une dérive intolérable. Je suis d’ailleurs certain, madame la ministre, que vous auriez été la première à condamner la distribution dans les écoles, par un parti politique membre de la majorité, de tracts en sens contraire. Qu’en est-il de la structuration du débat politique dans les écoles et du cours de citoyenneté ? Confirmez-vous que des tracts ont été distribués ? Si oui, une enquête a-t-elle été diligentée ? Des sanctions sont-elles prévues contre des professeurs qui ont manifestement outrepassé leurs prérogatives ? En effet, autant il est louable d’attirer l’attention de ses élèves sur les faits d’actualité et de les amener à prendre position, autant un professeur ne peut se livrer à un endoctrinement ou utiliser sa classe comme une tribune politique.
Réponse – Même si je défends le droit de grève et partage ses objectifs sur le plan politique, je soutiens les personnes qui font des choix différents, en vertu du principe de liberté. En cela, il était malheureux de considérer comme une provocation toute entreprise, institution ou école qui fonctionnerait normalement, d’autant que nous avions demandé que les écoles puissent rester ouvertes pour assurer tout au moins un accueil minimal. J’en viens à la question relative aux tracts distribués à l’Athénée royal Marguerite Bervoets à Mons. Mes services ont pris contact avec la direction de cet établissement. Ce qui s’y est produit est dû à un concours de circonstances. La préfète y a autorisé la distribution de tracts informatifs réalisés par les syndicats afin de prévenir les parents des blocages et de leurs effets sur la mobilité, afin de leur éviter d’emprunter des parcours sur lesquels ils risquaient de se retrouver bloqués en conduisant leurs enfants à l’école. Ces tracts n’ont d’ailleurs jamais été glissés dans les journaux de classe. Elle s’est sans doute aperçue a posteriori que les syndicats l’utiliseraient pour une chose à laquelle elle n’avait pas pensé. Le décret du 31 mars définissant la neutralité dans l’enseignement et qui dispose que les membres du personnel doivent impérativement s’abstenir de toute attitude et propos partisans ou militants doit bien sûr être respecté. Il y a donc bel et bien eu entorse à la neutralité. Tout manquement à ce principe constaté par l’inspection pouvant faire l’objet d’un rapport adressé sans délai par la voie hiérarchique, la direction a donc été rappelée à l’ordre et priée de faire preuve de plus de vigilance à l’avenir. J’ai chargé le service général de l’enseignement organisé par la Fédération Wallonie-Bruxelles de rappeler les dispositions à respecter aux directions du réseau de façon à prévenir tout nouvel écart.
Réplique – Madame la ministre, pour ce qui est des grèves, vous vous limitez au service minimum! Vous faites ce que vous devez faire, certes, mais sans la moindre proactivité. Or selon de nombreux témoignages, des professeurs se sont permis dans certaines écoles de dire aux élèves qu’ils avaient bien raison de faire grève puisqu’ils étaient sous-payés par rapport aux ministres et traités sans le moindre égard. Ce populisme est vraiment de très mauvais aloi. Il serait opportun de rappeler au corps enseignant ses obligations. Et, surtout, il faudrait que la Fédération Wallonie-Bruxelles agisse quand un manquement est constaté. Dans le cas qui nous occupe, la personne concernée a reçu un rappel à l’ordre. Très bien. Mais, maintenant que tout le monde est informé, il faudra aller un cran plus loin si des faits identiques se reproduisent. C’était peut être de la naïveté mais j’en doute ! Passer par le canal syndical pour savoir si la rue en face de l’école sera bloquée alors que les grévistes se gardent bien de révéler où seront leurs piquets et que seul le parti socialiste peut divulguer l’information, c’est un peu fort ! Il faut arrêter de prendre les gens pour des idiots. Si la préfète voulait faire de l’information, elle aurait pu interroger les syndicats et faire elle-même une note portant sa signature. Si nous laissons le champ libre aux syndicats pour qu’ils décident qui peut se déplacer et qui peut faire quoi tel jour ou tel autre, nous dépassons les limites ! Je tiens à rappeler que les syndicats n’ont pas de personnalité juridique et même s’ils en avaient une, cela ne leur permettrait pas de substituer leurs ordres aux libertés fondamentales. Ce n’est pas à eux de déterminer qui travaille ou non, qui passe ou ne passe pas ! La naïveté de la préfète me surprend. Je veux bien faire semblant d’y croire. Mais vous venez de rappeler que vous avez insisté sur le respect de la règle auprès des personnes concernées. J’espère que la prochaine fois, la sanction sera ferme et forte. Enfin, j’aimerais avoir votre opinion sur l’organisation de débats avec des représentants politiques et des représentants syndicaux. En effet, j’estime que les élèves doivent entendre les deux points de vue mais ce pluralisme manque aujourd’hui.
Réponse – J’aimerais ajouter, puisqu’on fait soudainement de la politique, que la meilleure des choses serait de ne pas provoquer les enseignants et de ne pas leur imposer au niveau fédéral des mesures inadmissibles. Il n’est pas étonnant que celles-ci puissent entraîner à un moment donné une émotion légitime. Je n’encourage pas pour autant l’irrespect du décret sur la neutralité. Mais j’ai l’impression que face à un problème immense, le groupe MR se focalise sur une broutille, sur un détail relativement accessoire, une mouche, en oubliant l’éléphant ! Le jour où la fin de carrière des enseignants sera respectée – sans leur ajouter quatre ans –, sans leur diminuer leur salaire en leur retranchant la bonification de diplôme, sans les obliger à prendre leur prépension dès l’année prochaine car ils n’auront plus l’occasion de le faire plus tard comme prévu, nous pourrons négocier ! Cela dit, le décret sur la neutralité doit être respecté.
Réplique – Madame la ministre, que vous ayez des opinions politiques, c’est parfait ! Mais ici, vous devez vous exprimer en tant que ministre ! Chacun doit respecter la fonction qu’il occupe. J’estime que dans votre fonction vous ne devriez pas émettre d’avis personnels. Vous brouillez le message !
Réponse – Un ministre n’est pas neutre.
Réplique – Si vous voulez une liberté totale, prenez ma place de député! Vous pourrez alors défendre une opinion politique. En tant que ministre vous êtes tenue de faire respecter les décrets.
Réponse – Vous devez faire respecter les décrets! Or votre réponse comporte des contradictions. Vous confirmez qu’il existe un décret à respecter et en même temps vous affirmez que les enseignants subissent des choses terribles !
Réplique – Je n’ai pas dit ça.
Réponse – Si ! Vous essayez de justifier l’injustifiable qui consiste à utiliser des enfants pour faire passer son opinion politique ! Je pourrais vous rétorquer, si vous voulez jouer à ce jeu-là, que sans les réformes, ce sont les pensions de ces enfants qui ne pourront pas être payées ! Madame la ministre, en tant que ministre, votre rôle est de rappeler que l’on ne peut instrumentaliser des enfants. Ils se feront leur opinion en leur âme et conscience. Votre devoir est de donner les instruments nécessaires pour que chacun entende tous les messages. Votre vision de la réforme du gouvernement est respectable mais ce n’est pas une vérité absolue. On pourrait en débattre, ce n’est pas le contexte ici. D’ailleurs, vous avez été ministre suffisamment longtemps au niveau fédéral pour faire les réformes nécessaires.