Intervention du 09/12/2014 dans le débat relatif à la proposition de décret portant modification du Code de démocratie locale et de la décentralisation afin d’organiser une procédure impartiale de validation et de recours contre les élections communales, déposée par M. Hazée.
Exposé de l’auteur – Monsieur le Président, sans le vouloir ou sans nous le dire, vous avez, avec ces deux premières propositions sorties de l’arriéré, établi une première thématique que l’on pourrait appeler dépoussiérage. Je m’inscris alors dans la foulée ouverte par le plan Marshall 4.0 et M. Onkelinx avec ce texte déposé suite aux dernières élections communales et provinciales que vous faites revenir ici en discussion à un moment non suspect, et c’est peut-être aussi le propre de la discussion parlementaire de pouvoir s’arrêter un moment sans plus être guidés par des préoccupations à chaud, sans être intéressés par ce qui se passera aux prochaines échéances, puisqu’il est question de la validation des élections communales et de l’examen des éventuels recours contre leur résultat. On se rappelle la saga que nous avons connue ici au Parlement wallon par rapport à la vérification des pouvoirs des élections régionales, par rapport au vote électronique et au bogue électronique. Ce sont des préoccupations importantes aussi, mais qui ne sont pas visées par ce texte. Elles font l’objet d’autres initiatives dont nous aurons l’occasion de reparler dans les prochaines semaines, des textes ont été déposés, d’autres initiatives sont également impulsées par la présidence du Parlement. Tout cela suit, en principe, son cours. On revient ici avec la problématique des élections communales, puisque la législation actuelle organise un dispositif que l’on peut considérer d’un autre temps lorsqu’on le regarde avec les lunettes de 2014, puisque au bout du compte, lorsqu’il s’agit de faire recours contre les élections communales, il s’agit, en réalité, de s’adresser au collège provincial. On doit demander à une autorité politique – et je ne la prends pas pour responsable de cette situation, elle est obligée de respecter la loi et de faire son travail – de juger, en première instance du moins, un contentieux électoral visant une autre instance politique. Chacun le mesure tout de suite, il ne s’agit pas d’argumenter très longtemps, cela pose des soucis d’impartialité d’abord. Je ne vais pas rappeler les exemples ici, parce que les braises ont refroidi, mais on a pu voir, lors des élections de 2012, une majorité provinciale d’une certaine forme avoir une facilité plus grande à tenter d’annuler les élections d’une majorité en voie de constitution d’autres couleurs ou potentiellement d’autres couleurs. Mon propos n’est pas ici polémique, il y a des difficultés d’impartialité, mais il y a en plus, parce que l’on peut encore considérer que celles-ci sont subjectives, des difficultés d’apparence d’impartialité puisque à tout le moins, une telle juridiction – puisque le collège provincial agit à ce moment-là comme juridiction – ne répond pas aux balises et aux exigences du droit moderne quant à l’apparence d’impartialité. Il ne saurait pas, ce n’est pas qu’il est coupable de la chose, c’est qu’il est dans l’incapacité d’être dans une apparence d’impartialité par nature. Heureusement, aujourd’hui, en seconde instance le Conseil d’État peut être saisi. Il corrige donc ceux qui auraient eu des velléités partisanes dans l’exercice de cette compétence. Mais convenons un peu, comme le recommandé comme voie unique de la transmission des documents, que ce n’est pas idéal de miser sur la seconde instance et le Conseil d’État pour rectifier un système qui est en fait devenu obsolète à la base. De façon absolument non polémique, cette proposition vise à établir une juridiction administrative qui réponde – elle essaie, en tout cas – aux exigences d’impartialité à l’instar – nous n’avons rien inventé – de ce qui existe à Bruxelles depuis déjà une vingtaine d’années et qui fait, le Collège juridictionnel bruxellois, un travail respecté. Je n’ai jamais entendu la moindre controverse sur un soupçon d’impartialité. Cela ne veut pas dire que les gens qui déposent un recours ont forcément gain de cause ou qu’ils sont satisfaits. Devant la justice, chacun peut être déçu des jugements qui sont pris, mais à tout le moins ils répondent alors aux exigences d’un État de droit. Très concrètement, ce que nous proposons c’est d’établir un collège de neuf personnes, désignées bien avant que l’échéance électorale n’intervienne, par le Parlement wallon pour une durée de six ans, pour statuer en tant que juridiction administrative. On a prévu deux types d’exigences pour le choix de ces personnes. Premièrement, des exigences de compétence : elles doivent être titulaires d’un master en droit ou d’un titre équivalent et d’une pratique professionnelle d’au moins cinq ans en droit public ou administratif. Deuxièmement, des exigences en d’impartialité. Nous proposons deux éléments, ils peuvent être enrichis, il peut y avoir d’autres idées, d’une part que les membres du collège ne soient pas candidats aux élections pendant la durée de leur mandat. D’autre part nous ajoutons le fait qu’ils doivent se déporter lorsque le recours porte sur une commune du même arrondissement administratif. Pas seulement leur propre commune comme citoyen, mais même leur coin de Wallonie pour assurer finalement la pluralité de personnalités que regroupe ce collège. Avec neuf personnes, on peut en avoir une ou deux en moins, cela ne met pas le siège en difficulté. Il ne s’agit pas de créer une administration, encore moins de créer un bidule qui serait permanent, avec des gens qui seraient payés pour un travail qui prend quelques heures une fois tous les six ans. Il s’agit d’une instance juridictionnelle établie pour la circonstance, mais avec une structure très légère : il n’est prévu aucun membre du personnel. Il n’est prévu aucun budget, si ce n’est l’octroi d’un jeton de présence pour le siège lors de la réunion, si elle a lieu, parce que s’il n’y a pas de recours, il n’y a même pas de réunion. Le secrétariat serait assuré par l’administration du ministre, la DGO5, du Service public de Wallonie. En résumé, il s’agit de dépoussiérer notre droit électoral et d’amener un autre petit pas par rapport à la modernisation de notre Région. Je vous remercie pour votre bienveillante attention.
Intervention de M. Bouchez – On peut rejoindre le principe qu’il est nécessaire d’instaurer une instance totalement impartiale. Il faut savoir qu’au niveau des juridictions européennes, de telles pratiques de contrôle des élections ont déjà été remises en cause. D’ailleurs, même notre système de vérification des élections au Fédéral devrait être réfléchi un jour. Il est certain qu’il n’est pas possible d’avoir les apparences d’impartialité. En droit, c’est le critère le plus important, c’est de se dire que le juge que l’on a face à soi n’a aucun intérêt. Je prends l’exemple de ma province : quand vous vous retrouvez face à un collège PS très majoritairement au niveau de la Province de Hainaut, c’est très compliqué. Il y a un MR face au PS, vous ne pouvez néanmoins pas ignorer votre poids prédominant, puisque vous faites plus de 50 % des voix dans de très nombreuses communes. Il faut juste l’assumer, ce n’est pas très grave. (Réaction de M. Onkelinx) Monsieur Onkelinx, il ne faut pas vous énerver chaque fois que je dis quelque chose. C’est juste un constat : vous faites plus de 50 %, point. Par rapport à cela, il est important que tous les candidats aient les garanties qu’ils puissent entendre leur recours. Un deuxième élément très important : c’est surtout pour l’électeur. Il faut que l’électeur ait les garanties que tout le processus électoral est contrôlé de manière totalement impartiale. Dernièrement, on va certainement nous répondre que la décision de la province… (Réaction de M. le Ministre Furlan) Monsieur Furlan, quand j’étais étudiant, c’est un dossier sur lequel j’ai travaillé, je sais déjà ce qui est répondu traditionnellement. Cela date un peu. (M. le Président : Monsieur Bouchez, vous n’êtes plus étudiant, vous êtes parlementaire.) Je sais, mais je me rappelle mes souvenirs d’université. Je sais qu’une réponse souvent faite était de dire, même pas sur le plan politique, certains juristes défendaient le principe de dire : « Ce n’est pas très grave, vos pouvez toujours faire un recours au Conseil d’État de la décision rendue par le collège provincial ». À cela, il faut mettre deux bémols importants. Premièrement, le recours au Conseil d’État ne porte que sur la décision du collège. Ce n’est donc pas un recours de pleine juridiction. Par rapport à la décision remise au préalable, il faut déjà un motif d’appel de cette décision. Quand je dis « pleine juridiction », cela veut dire que cela ne vient pas chez eux en première instance pour connaître tous les éléments. Deuxièmement, je ne sais pas ce qu’il en est au niveau des règles, je peux vous dire que, pour un cas qu’il y a eu dans ma commune en 1988, ils ont obtenu un recours auprès du Conseil d’État. À ce moment-là, on leur a dit que les bulletins de vote avaient déjà été détruits. Dans ce cas, quand on arrive au Conseil d’État, c’est tellement longtemps après que l’on a le problème de lien avec les élections ; le deuxième élément c’est que, dans le cas que je vous expose – je ne sais pas si des règles spécifiques existent à ce niveau – les bulletins de vote avaient été détruits, le contrôle était donc beaucoup plus compliqué.