Dans l’Echo, le Tijd et sur Bel RTL, Georges-Louis Bouchez estime que la lutte contre la fraude fiscale doit être une priorité, mais que certaines propositions faites par le ministre des Finances ciblent injustement toute une série de contribuables, que le MR souhaite protéger contre les abus.
Le MR est bien sûr favorable à la lutte contre la fraude fiscale. Celle-ci doit être combattue avec acharnement, car celui qui fraude le fisc fraude l’ensemble des Belges.
Ce que le MR reproche au ministre des Finances, ce n’est donc pas l’objectif poursuivi, mais la méthode utilisée puisque le délai d’investigation du fisc, qui est traditionnellement de trois ans, pourrait être porté à 10 ans pour l’ensemble des déclarations fiscales dites « complexes ». Cela concerne ici tout contribuable qui a une activité transfrontalière, le petit indépendant comme la grande entreprise. L’entrepreneur qui a ponctuellement un chantier en France ou le médecin qui va parfois soigner des patients de l’autre côté de la frontière car il habite une ville frontalière est donc concerné. Le problème ici est que l’on présuppose que l’ensemble de ces contribuables est un fraudeur potentiel. Ce texte est donc mal calibré car il vise des situations pour lesquelles le contribuable doit déjà fournir spontanément à l’administration fiscale de nombreux renseignements. L’administration fiscale dispose donc déjà tous les documents pour faire son contrôle dans le délai de 3 ans.
« L’allongement des délais à 10 ans apparaît comme un aveu d’impuissance des services de contrôle et un renforcement des pouvoirs d’arbitraire contre le contribuable », estime Georges-Louis Bouchez.
Le président du MR craint ici les problèmes pratiques qui risquent de se poser (notamment en termes de conservation des documents justificatifs) mais aussi les problèmes juridiques (en cas de recours, les délais d’attente sont déjà supérieurs à 10 ans pour ce type de dossiers) et les conséquences économiques (cela risque de décourager nos entreprises à travailler à l’étranger). « L’activité des entreprises belges est, à plus de 80%, dirigée vers l’exportation. Il faut s’en féliciter et encourager les entreprises à poursuivre, et non pas considérer cela comme une présomption de fraude », explique-t-il.
Au-delà de la remise en cause de ce point spécifique, Georges-Louis Bouchez suggère de neutraliser la jurisprudence Antigone. Celle-ci prévoit que des preuves irrégulières (perquisitions, mise sur écoute, fuites de données, etc.) peuvent être prises en compte par le juge pour autant qu’elles sanctionnent un comportement constitutif d’une infraction pénale. Cet arrêt a été accepté en matière fiscale en 2015 et a été suivi depuis lors par la majorité des juridictions. Le MR va déposer un projet de loi pour mettre un terme à la récolte de preuves par des moyens illégaux. « Le contribuable est présumé coupable », déclare Georges-Louis Bouchez sur Bel RTL. « Cela donne lieu à des contrôles fiscaux de plus en plus violents. Au point que le petit patron de PME est aujourd’hui moins bien traité qu’un braqueur de banque. Il ne s’agit pas de défendre les fraudeurs, mais bien de préserver l’État de droit. L’État a des droits, mais aussi des obligations ».
Georges-Louis Bouchez souhaite également raviver la charte du contribuable, document initié par Jean Gol en 1986 et qui accorde un certain nombre de droits aux personnes poursuivies par le fisc. « Nous voulons faire en sorte qu’aucune disposition nouvelle ne puisse aller à l’encontre des droits énumérés dans cette charte », explique Georges-Louis Bouchez à l’Echo. Pour le MR, cette charte n’est plus respectée (recours au data mining, contrôles fiscaux informatisés et automatisés, sans contact direct avec un agent de l’administration) : « Ces nouveaux dispositifs bafouent certains droits fondamentaux, et n’empêchent pas la grande fraude fiscale », déplore le président du MR. « L’État belge se montre fort avec les faibles et faible avec les forts ».
La lutte contre la fraude est une priorité, mais cela ne peut se faire dans ces conditions intrusives, par ailleurs pas prévues par l’accord de gouvernement. Celui-ci envisage même de mettre un terme aux contrôles fiscaux sans contact avec un agent. « Pourtant, aujourd’hui, on continue dans cette voie, et j’ai même le sentiment que c’est l’administration fiscale qui tient la plume du gouvernement pour la rédaction des textes en matière de procédures de droit fiscal ».
Enfin, le MR rappelle que le plan fédéral de lutte contre la fraude doit porter sur la fraude fiscale et la fraude sociale. Or, en matière de chômage, les délais de remboursement sont de 3 ans (sans fraude) et de 5 ans en cas de fraude. De plus, alors qu’en matière de sécurité sociale, il y a beaucoup moins d’échanges de renseignements avec les autres pays, rien n’est prévu pour améliorer les choses. Ainsi, un indépendant belge qui a mal calculé ses revenus taxables en France pendant le mois de juin 2022 pourra être rectifié jusqu’au 31 décembre 2032 (alors qu’il n’y a strictement aucune fraude), alors que le chômeur qui a mis en place une structure pour frauder l’ONEM et aurait perçu des allocations pendant la même période ne pourra être rectifié que jusqu’au 1er juillet 2027.
Georges-Louis Bouchez se demande ce que penseraient les partis de gauche si la jurisprudence Antigone s’appliquait également à la fraude sociale ou au droit pénal. « Que diraient ces partis et les associations si on allait contrôler les allocataires sociaux de nuit pour vérifier s’ils ne dorment pas dans le même lit ? Que diraient-ils si la police était conviée à participer à la rédaction des règles en matière de procédure pénale ? », se demande le président du MR. « Aujourd’hui, un braqueur de banque a plus de droits qu’un contribuable, les droits de la défense sont bafoués », souligne-t-il sur Bel RTL.
Pour atteindre l’objectif d’un milliard d’euros récoltés grâce à une meilleure lutte contre la fraude fiscale, le MR propose plutôt de miser sur une meilleure collaboration internationale pour traquer les grands fraudeurs, une baisse de la fiscalité pour que l’impôt soit perçu comme plus juste et une simplification des règles fiscales afin d’en limiter les possibilités d’interprétation.
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